Pourquoi le stockage géologique du CO₂ est une composante clé de la transition énergétique

Le stockage géologique du CO₂, pilier discret mais crucial de la décarbonation industrielle, s'impose comme levier de la transition énergétique.


La transition énergétique mondiale repose sur une équation complexe : comment concilier croissance, sécurité énergétique et neutralité carbone ? Au-delà des renouvelables et de l'électrification, le captage et le stockage géologique du CO₂ se profilent comme un levier stratégique majeur pour décarboner les secteurs les plus difficiles et préserver la compétitivité industrielle.

Du captage à la transformation du système énergétique

Le stockage géologique du CO₂ ne constitue pas une solution ponctuelle, mais bien une infrastructure de transition essentielle. En reliant les sites d'émission aux réservoirs souterrains, il établit un réseau structurant qui complète les grands systèmes énergétiques existants et soutient l'atteinte des objectifs climatiques à long terme.

La chaîne de valeur du carbone repose sur un principe simple mais puissant : capturer le CO₂ là où il est émis, le transporter vers des sites appropriés, puis l'enfouir de manière permanente dans des formations géologiques profondes. Sans cette capacité de stockage durable, tout l'effort de captage perdrait son sens. On ne peut pas se contenter de capturer le carbone sans garantir son confinement à long terme — c'est là que le stockage géologique devient la clé de voûte du système.

Les chiffres témoignent d'une accélération remarquable. En 2023, la capacité annoncée de capture pour 2030 a bondi de 35 %, tandis que la capacité de stockage a explosé de 70 % [1]. Actuellement, environ 50 millions de tonnes de CO₂ sont capturées et stockées annuellement dans le monde, réparties dans quelque 45 installations commerciales [1]. Ces infrastructures forment progressivement un véritable « réseau de CO₂ », comparable aux autoroutes énergétiques, avec des pipelines, des hubs régionaux et des interconnexions stratégiques.

Le rôle du stockage géologique dans la décarbonation des secteurs difficiles

Certaines industries résistent naturellement à la décarbonation. Le ciment, l'acier, le raffinage, les engrais et la chimie lourde génèrent des émissions qui ne proviennent pas uniquement de la combustion d'énergies fossiles, mais des réactions chimiques inhérentes à leurs procédés. Même avec une électrification massive et l'hydrogène vert, ces secteurs conserveront des émissions résiduelles incompressibles.

C'est précisément pour ces « secteurs difficiles » que le stockage géologique s'avère indispensable. Dans les scénarios de neutralité carbone, le captage et stockage du carbone représente une contribution essentielle. Dans le scénario Net Zero de l'Agence internationale de l'énergie, le CCUS contribue à environ 8 % des réductions cumulées d'émissions mondiales entre 2022 et 2050 [2]. Cette technologie joue un rôle particulièrement critique dans l'industrie lourde : selon l'Agence internationale de l'énergie, le CCUS assure environ 38 % des réductions d'émissions dans la chimie, et près de 15 % dans les secteurs du ciment et de l'acier [3].

Sans cette option, de nombreuses installations industrielles se retrouveraient dans une impasse : soit fermer, soit continuer d'émettre. Le stockage géologique offre une troisième voie, permettant de maintenir l'activité économique tout en respectant les objectifs climatiques. Il s'agit de stabiliser les émissions résiduelles plutôt que de les laisser compromettre l'ensemble de l'effort climatique.

Une infrastructure énergétique émergente : vers une économie circulaire du carbone

Le déploiement du stockage géologique ne se limite pas à creuser des puits : il nécessite la construction d'une véritable infrastructure intégrée. Des « hubs de carbone » émergent partout dans le monde, agrégeant les émissions de plusieurs sources industrielles, mutualisant le transport par pipeline et optimisant les capacités de stockage partagées.

Ces pôles régionaux génèrent d'importantes économies d'échelle. Plutôt que chaque usine développe sa propre infrastructure — coûteuse et inefficace — les émetteurs se connectent à un réseau collectif. Cette mutualisation réduit drastiquement les coûts de transport et maximise l'utilisation des formations géologiques disponibles.

L'Alberta Carbon Trunk Line illustre parfaitement ce modèle au Canada. Ce système intégré de 240 kilomètres, en opération depuis 2020, possède une capacité de conception d'environ 15 millions de tonnes de CO₂ par an et vise à connecter davantage d'installations à l'avenir [4]. Plus ambitieux encore, l'Alliance Pathways prévoit un réseau massif pour capter des millions de tonnes d'émissions provenant des sables bitumineux d'ici 2030.

Complémentarité avec les autres technologies propres

Le stockage géologique ne concurrence pas les énergies renouvelables ou l'hydrogène : il les complète. Alors que l'éolien, le solaire et l'hydroélectricité transforment notre production d'électricité, le stockage du CO₂ s'attaque aux émissions incompressibles des procédés industriels. Cette complémentarité s'avère essentielle dans une stratégie climatique cohérente.

Prenons l'exemple de l'hydrogène « bleu », produit à partir de gaz naturel avec captage du CO₂. Sans stockage géologique, cette filière perdrait toute crédibilité climatique. Bien que produire de l'acier via des procédés équipés de CCUS soit environ 8 à 9 % plus coûteux que les méthodes conventionnelles actuelles, la voie de l'hydrogène électrolytique entraîne des surcoûts de 35 à 70 % [3]. Dans le secteur chimique, produire de l'ammoniac ou du méthanol avec CCUS augmente les coûts de 20 à 40 %, contre 50 à 115 % pour les voies utilisant l'hydrogène électrolytique [3].

Des synergies prometteuses émergent également avec d'autres utilisations du sous-sol. Certaines régions riches en roches ultramafiques permettent la minéralisation du CO₂, transformant le gaz en carbonate solide — une forme de stockage encore plus stable. D'autres sites pourraient accueillir à la fois du stockage de CO₂ et d'hydrogène, partageant infrastructures et expertise. Toutefois, ces synergies restent largement à l'état de recherche et nécessitent encore des avancées scientifiques avant un déploiement commercial.

Le stockage du CO₂ au Québec et le rôle de la géologie locale

Le Québec possède des atouts géologiques méconnus pour le stockage du CO₂. Le Bassin du Saint-Laurent, avec ses formations sédimentaires de 1 500 à 3 000 mètres d'épaisseur, offre des aquifères profonds et des roches carbonatées prometteuses [5]. Les formations Potsdam, Beekmantown et Trenton constituent des cibles potentielles pour la séquestration à grande échelle.

Des initiatives concrètes prennent forme. La société Deep Sky explore des sites de minéralisation du CO₂ à Bécancour et Thetford Mines, tandis que des partenariats se développent pour créer des hubs de séquestration régionaux. Des projets de cartographie comme le « Geological Carbon Storage Atlas of Eastern Canada » travaillent à quantifier systématiquement les opportunités et les coûts dans la région Québec-Atlantique [5].

À l'échelle canadienne, le potentiel est colossal : environ 389 milliards de tonnes de CO₂ pourraient être stockées, principalement dans l'Ouest canadien. Le Québec, avec son expertise en géosciences et en forage minier, pourrait valoriser ces compétences pour développer une filière locale de stockage géologique. Dans cette optique, Ressources & Énergie Squatex met à profit son expérience en exploration du sous-sol pour appuyer la recherche sur le stockage du CO₂ dans les formations profondes pour soutenir un forage carboneutre.

Pourquoi investir dans le stockage géologique du CO₂ dès maintenant

Longtemps perçu comme une solution d'appoint, le stockage géologique du CO₂ s'impose désormais comme un pilier de la décarbonation. Il ne remplace pas les énergies renouvelables : il les complète, en assurant la cohérence d'un système énergétique réellement carboneutre.

Pour que le stockage géologique devienne une composante légitime et responsable de la transition énergétique, une action concertée est nécessaire : soutien à la recherche scientifique, mise en place de cadres réglementaires adaptés, et sensibilisation du public à l'importance de ces technologies.

Au Québec, des acteurs comme Ressources & Énergie Squatex s'appuient sur leur expertise en géosciences pour étudier le potentiel du stockage du CO₂ et du forage carboneutre, contribuant ainsi à l'essor d'une filière énergétique durable.

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Références

[1] International Energy Agency. "Carbon Capture Utilisation and Storage - Energy System." IEA, 2023, www.iea.org/energy-system/carbon-capture-utilisation-and-storage.

[2] "IEA Net Zero Roadmap Update (2023-IP13)." IEAGHG, 26 septembre 2023, ieaghg.org/insights/iea-net-zero-roadmap-update-2023-ip13.

[3] International Energy Agency. "CCUS in the Transition to Net-Zero Emissions." CCUS in Clean Energy Transitions, www.iea.org/reports/ccus-in-clean-energy-transitions/ccus-in-the-transition-to-net-zero-emissions.

[4] International Energy Agency. "CO2 Transport and Storage - Energy System." IEA, www.iea.org/energy-system/carbon-capture-utilisation-and-storage/co2-transport-and-storage.

[5] "Geological Carbon Storage Atlas of Eastern Canada Update." Canadian Discovery, cdl.canadiandiscovery.com/geological-carbon-storage-atlas-of-eastern-canada.

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