Comment les minéraux critiques transforment-ils le secteur de l'énergie au Canada ?
Découvrez comment les minéraux critiques ont le potentiel de transformer le secteur énergétique canadien : lithium, terres rares, innovations durables et enjeux économiques
L'avenir énergétique du Canada repose sur une fondation souvent invisible mais absolument essentielle : les minéraux critiques. Ces ressources naturelles, allant du lithium aux terres rares, constituent littéralement les briques de base de la révolution énergétique mondiale. Leur absence compromettrait l'ensemble du système énergétique moderne : le stockage de l'énergie renouvelable, l'électrification des transports et la production d'électricité propre à partir du vent et du soleil. Comme le souligne la stratégie canadienne sur les minéraux critiques, « l'électricité circule à travers le cuivre, les éoliennes nécessitent du manganèse, du platine et des aimants de terres rares, les véhicules électriques requièrent des batteries fabriquées avec du lithium, du cobalt et du nickel » [1]. Cette interdépendance fondamentale soulève une question essentielle : de quelle manière les minéraux critiques façonnent-ils la transformation du secteur énergétique canadien ?
Les projets canadiens avec minéraux critiques au service de la transition énergétique mondiale
Le redémarrage de la mine North American Lithium (NAL) au Québec en mars 2023 marque un tournant décisif pour l'Amérique du Nord. Cette installation devient « la seule source majeure de concentré de spodumène (lithium) en Amérique du Nord », avec une production ciblée d'environ 226 000 tonnes de concentré de spodumène de lithium par année [1]. L'importance stratégique de ce projet se mesure à l'ampleur des contrats déjà signés : LG Chem s'est engagé à acheter 200 000 tonnes sur quatre ans, tandis que Tesla a sécurisé 125 000 tonnes sur trois ans [1]. Ces partenariats démontrent concrètement comment les minéraux canadiens alimentent directement la chaîne d'approvisionnement mondiale des véhicules électriques.
Parallèlement, le Canada fait son entrée dans le marché stratégique des terres rares. En 2021, la première mine de terres rares du pays, Nechalacho dans les Territoires du Nord-Ouest, a commencé à produire du concentré de terres rares, avec environ 500 tonnes expédiées fin 2021 pour traitement à Saskatoon et en Norvège [1]. Cette percée est d'autant plus significative qu'elle offre une alternative à la domination chinoise sur ce marché crucial. Comme l'a déclaré le ministre de l'industrie des TNO, « le Canada est effectivement un acteur sérieux dans la course internationale vers une source durable, fiable et extraite de manière responsable d'éléments de terres rares critiques, indépendante de la Chine et aussi de la Russie » [1].
L'intégration de l'hydrogène, de la capture du carbone et du recyclage des batteries
L'innovation canadienne ne se limite pas à l'extraction traditionnelle. Le secteur minier intègre activement les technologies de l'hydrogène, particulièrement pertinent puisque le cobalt, extrait comme sous-produit du nickel au Canada, est utilisé dans les piles à combustible à hydrogène. Les métaux du groupe du platine, dont le Canada est un producteur majeur, sont essentiels pour les électrolyseurs et les piles à combustible [1][2]. Les mines hors réseau explorent déjà l'adoption de l'éolien, du solaire, de l'hydrogène et du stockage par batterie pour électrifier leurs opérations, réduisant ainsi leur empreinte carbone [2].
Une innovation particulièrement prometteuse émerge du projet Baptiste de FPX Nickel en Colombie-Britannique. Les tests de laboratoire de l'Université de la Colombie-Britannique ont démontré que l'injection de CO₂ dans les résidus miniers peut minéraliser le CO₂ en carbonate solide permanent, capturant entre 13,3 et 15,3 grammes de dioxyde de carbone par kilogramme de résidus broyés en quelques jours [3]. Cette technologie révolutionnaire « ouvre la possibilité d'un CSC à plus grande échelle... augmentant le potentiel de développement d'une opération minière de nickel neutre en carbone ou négative en carbone à Baptiste » [3].
Le recyclage des batteries représente un autre pilier de l'approche canadienne. Li-Cycle, basée à Toronto, récupère les minéraux critiques des batteries lithium-ion et les réintroduit dans la chaîne d'approvisionnement. L'entreprise peut actuellement traiter environ 51 000 tonnes de batteries lithium-ion usagées par an et vise une capacité de 81 000 tonnes d'ici fin 2023 [4]. L'impact environnemental est considérable : les métaux de batteries recyclés génèrent environ 80 % d'émissions de gaz à effet de serre en moins que la production des mêmes métaux par extraction minière [5]. L'Agence internationale de l'énergie prévoit que le recyclage pourrait réduire le besoin de nouvelle extraction de certains minéraux de 25 à 40 % d'ici 2050 [5].
Innovation environnementale et sociale : extraction à faible impact et approches d'économie circulaire
Le secteur minier canadien s'appuie sur de solides références environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Le programme « Vers le développement minier durable » (TSM) de l'Association minière du Canada est reconnu mondialement [1]. Cette approche est renforcée par l'avantage énergétique du Canada : 82 % de l'électricité du pays provient de sources non émettrices (hydro, nucléaire, éolien, solaire) [2]. Le gouvernement soutient des projets ambitieux comme « la mine de potasse la plus durable au monde en Saskatchewan » et le projet de Rio Tinto de 737 millions de dollars pour décarboniser son opération Rio Tinto Fer et Titane au Québec, incluant jusqu'à 222 millions de dollars du Fonds d'innovation stratégique du Canada, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu'à 70 % [2].
La stratégie canadienne vise également à « faire progresser les solutions circulaires pour fermer les boucles de matériaux » en récupérant les minéraux des produits en fin de vie et des déchets miniers [1]. Cette approche d'économie circulaire est essentielle pour maximiser la valeur des minéraux critiques déjà extraits, réduisant ainsi la pression sur les nouvelles exploitations minières. En réutilisant et en recyclant ces matériaux stratégiques, le Canada peut augmenter la disponibilité des minéraux critiques pour la transition énergétique tout en minimisant l'impact environnemental de leur production. Cette philosophie circulaire s'étend à tous les aspects de la chaîne de valeur, depuis la récupération des métaux dans les équipements électroniques usagés jusqu'à l'optimisation des procédés de traitement pour extraire davantage de valeur des minerais existants.
Au-delà du lithium et des terres rares : autres minéraux critiques émergents
La stratégie canadienne englobe une diversité impressionnante de minéraux critiques. Le nickel, crucial pour augmenter la densité énergétique et la capacité de stockage dans les batteries, fait l'objet d'investissements majeurs. Vale étudie une usine de sulfate de nickel à Bécancour et a signé un accord pour fournir 25 000 tonnes par an de sulfate de nickel de qualité batterie à General Motors [1].
Le graphite, composant principal en poids des batteries lithium-ion formant l'anode, représente une autre opportunité stratégique. Nouveau Monde Graphite au Québec développe ce qui pourrait être la plus grande mine de graphite et usine de matériaux d'anode en Amérique du Nord, avec un protocole d'entente signé avec Panasonic pour fournir du graphite de qualité batterie [1].
Le cuivre, « métal de l'électrification », est un excellent conducteur électrique utilisé dans les câbles électriques, les moteurs électriques, les panneaux solaires, les générateurs d'éoliennes et les transformateurs. Les véhicules électriques utilisent 2 à 3 fois plus de cuivre que les voitures conventionnelles [1]. D'autres minéraux comme le vanadium (pour les batteries redox au vanadium utilisées dans le stockage d'énergie à grande échelle), le manganèse (pour durcir l'acier et l'aluminium des éoliennes), et le titane (dont le Canada se classe parmi les cinq premiers producteurs mondiaux) complètent ce portfolio stratégique [1][2].
Vers un avenir énergétique durable
Les minéraux critiques transforment fondamentalement le secteur énergétique canadien, positionnant le pays comme un acteur central de la transition énergétique mondiale. Les opportunités économiques sont considérables : sans accélération du développement minier, le Canada pourrait perdre 12 milliards de dollars par an d'ici 2040 en production de minéraux critiques non réalisée. Face à une demande qui doublera d'ici 2040 et des investissements potentiels de 65 milliards de dollars [7], le succès du Canada reposera sur sa capacité unique à combiner plusieurs avantages compétitifs : une électricité propre à 82% [2], des partenariats innovants [1] et une approche circulaire qui maximise la valeur de chaque minerai extrait.
Références
[1] Government of Canada, Natural Resources Canada. The Canadian Critical Minerals Strategy: From Exploration to Recycling – Powering the Green and Digital Economy for Canada and the World. Ottawa, 2022.
[2] Canada Energy Regulator. "Market Snapshot: Critical Minerals are Key to the Global Energy Transition." CER Market Snapshots, 18 Jan. 2023.
[3] Canadian Mining Journal. "Capturing carbon with tails could make FPX Nickel's Baptiste project carbon neutral." 2 Nov. 2021.
[4] The Energy Mix. "Toronto-Based Li-Cycle Expands Battery Recycling Operations to Europe." 11 Apr. 2023.
[5] International Energy Agency (IEA). Recycling of Critical Minerals – Analysis. IEA, Paris, July 2023.
[6] Energy Capital & Power. "CMA to Highlight Canada's Growing Impact on African Critical Minerals." African Mining Week (News), 25 Sept. 2024.
[7] Canadian Climate Institute. "Canada risks missing out on billions in critical mineral investment without swift policy changes: report." News release, 12 June 2025.

