Hydrogène Naturel : 6 Mythes questionnés par la Science

Pendant des décennies, l'industrie énergétique a cru que l'hydrogène naturel était rare, coûteux et inaccessible. Les dernières découvertes scientifiques bouleversent radicalement ces certitudes.


L'hydrogène naturel, longtemps considéré comme une curiosité géologique rare et coûteuse, fait l'objet d'une véritable révolution scientifique. Les estimations de volumes ont été multipliées par 200 en quatre décennies, le nombre d'entreprises exploratrices a quadruplé depuis 2020, et les mécanismes de formation géologique deviennent progressivement mieux compris. Ces avancées remettent en question plusieurs idées reçues sur cette ressource prometteuse, bien que des incertitudes demeurent sur l'ampleur réelle du potentiel exploitable.

Cet article examine six mythes majeurs sur l'hydrogène naturel que la recherche récente contredit formellement : sa supposée rareté, son coût prohibitif, son inaccessibilité technique, ses problèmes de pureté, sa polyvalence limitée et ses risques sécuritaires. À travers une analyse rigoureuse des données scientifiques les plus récentes, nous découvrirons comment cette ressource pourrait révolutionner notre approche de la transition énergétique.

L'hydrogène naturel existe-t-il en quantités suffisantes pour nos besoins énergétiques ?

Le premier mythe à démystifier concerne les quantités disponibles d'hydrogène naturel. Pendant des décennies, la communauté scientifique a sous-estimé massivement le potentiel de cette ressource, considérant qu'elle existait seulement en traces négligeables. Cette perception erronée vient d'être complètement renversée par les recherches les plus récentes.

Les modèles révolutionnaires d'Ellis et Gelman publiés en 2024 prédisent des quantités stupéfiantes : 5,6 trillions de tonnes d'hydrogène géologique potentiel [1]. Pour mettre cette estimation en perspective, cette quantité représente une valeur énergétique de 1,4 × 10¹⁶ mégajoules, dépassant toutes les réserves prouvées de gaz naturel à l'échelle mondiale. Ces chiffres transforment radicalement notre compréhension du potentiel énergétique de l'hydrogène naturel

Par ailleurs, les estimations scientifiques ont connu une révision majeure à la hausse ces dernières décennies, reflétant les avancées rapides dans la compréhension des mécanismes de formation et de la distribution géologique de l'hydrogène naturel.

Les mécanismes de formation diversifiés expliquent cette abondance naturelle. Les recherches de Tasleem et Alsharaeh identifient quatre processus principaux : la serpentinisation des roches ultrabasiques, la radiolyse de l'eau, le dégazage mantellique et la pyrolyse tardive de matières organiques [6]. Ces mécanismes démontrent que l'hydrogène naturel n'est pas un phénomène géologique isolé, mais le résultat de processus géochimiques continus et répandus dans la croûte terrestre.

En outre, cette production naturelle continue signifie que contrairement aux combustibles fossiles qui s'épuisent, l'hydrogène naturel constitue une ressource potentiellement renouvelable à l'échelle géologique. Cette caractéristique unique repositionne fondamentalement cette ressource dans notre stratégie énergétique à long terme.

L'hydrogène naturel coûte-t-il trop cher ?

Le second mythe concerne la supposée non-viabilité économique de l'hydrogène naturel. Les données de terrain récentes démontrent une compétitivité exceptionnelle qui bouleverse les modèles économiques établis du secteur énergétique.

De fait, les coûts actuels démontrés sur le terrain révèlent un avantage économique massif. Au Mali, l'hydrogène naturel est actuellement extrait à un coût estimé de 0,5 dollar par kilogramme [2]. Cette performance remarquable contraste drastiquement avec les coûts de l'hydrogène vert qui oscillent entre 3 et 8 dollars par kilogramme, et de l'hydrogène gris produit par vaporeformage qui coûte entre 1,5 et 3 dollars par kilogramme selon les conditions de marché.

Les projections commerciales pour les projets en développement en Espagne et en Australie visent un coût de production d'environ 1 dollar par kilogramme à l'échelle industrielle [2]. Même à ce niveau, l'hydrogène naturel conserverait un avantage compétitif de 2 à 10 fois par rapport aux méthodes conventionnelles, confirmant sa viabilité économique exceptionnelle.

Cette compétitivité remarquable explique le boom industriel récent que connaît le secteur. Selon Rystad Energy, organisme indépendant de recherche énergétique basé en Norvège, une quarantaine d'entreprises cherchent aujourd'hui des gisements d'hydrogène sous terre, comparativement à une dizaine en 2020 [8]. Cette croissance de 300% en trois ans témoigne de la confiance croissante des investisseurs dans la viabilité commerciale de cette ressource.

C'est pourquoi le positionnement canadien dans cette révolution économique est particulièrement prometteur. Les démonstrations de faisabilité technique et économique déjà réalisées confirment que le Canada peut se positionner comme précurseur mondial de cette industrie naissante. Par conséquent, cette compétitivité économique exceptionnelle s'aligne parfaitement avec la mission de Squatex de démocratiser l'accès aux énergies renouvelables au Québec et étudier le potentiel de cette ressource dans la province.

Le faux problème de l'inaccessibilité technique

Le troisième mythe suggère que l'hydrogène naturel se trouverait à des profondeurs inaccessibles avec des puretés insuffisantes pour une exploitation commerciale viable. Les données géologiques récentes contredisent formellement cette perception.

En réalité, les profondeurs d'extraction s'avèrent remarquablement accessibles avec les technologies actuelles. Au Mali, les concentrations commerciales d'hydrogène se trouvent entre 100 et 1500 mètres de profondeur, tandis qu'en France, les études révèlent des concentrations croissantes avec la profondeur, passant de 6% d'hydrogène à 760 mètres jusqu'à 20% à 1250 mètres [3]. Ces profondeurs restent donc largement dans les capacités techniques et économiques des technologies de forage conventionnelles.

L'Institut géologique américain (USGS) recommande de cibler les gisements à moins de 1000 mètres de profondeur pour maximiser la viabilité commerciale [3]. Cette recommandation confirme que l'hydrogène naturel se trouve précisément dans la zone de rentabilité optimale des techniques d'extraction éprouvées, éliminant les préoccupations d'inaccessibilité technique.

De plus, les puretés exceptionnelles observées mondialement démolissent définitivement le mythe de la faible concentration. Le forage accidentel de 1987 au Mali a révélé une pureté de 98%, transformant un simple puits d'eau en source d'hydrogène quasi-pur [4]. Cette découverte remarquable n'est toutefois pas un cas isolé : l'Iowa affiche des puretés de 96%, les États-Unis enregistrent régulièrement plus de 80% de pureté, et l'Australie observe des concentrations variant entre 51 et 84%.

La découverte révolutionnaire du Mali illustre parfaitement l'accessibilité technique de cette ressource. En 1987, un forage routine pour l'approvisionnement en eau d'un village prend une tournure inattendue à Bourakébougou : le puits révèle une composition à 98% d'hydrogène [9]. Cette découverte accidentelle démontre que l'hydrogène naturel peut être accessible avec des techniques de forage standards, sans nécessiter de technologies complexes ou coûteuses.

La polyvalence énergétique sous-estimée

Le quatrième mythe limite l'hydrogène naturel à des applications énergétiques restreintes. Or, cette perception restrictive ignore complètement la polyvalence de cette ressource dans l'ensemble des secteurs énergétiques et industriels.

Les applications industrielles de l'hydrogène s'étendent à tous les secteurs stratégiques de l'économie moderne. Les recherches de Sadeq et ses collègues identifient des utilisations dans le transport via les piles à combustible, l'industrie lourde incluant la sidérurgie et la production d'acier, la génération d'électricité et le chauffage résidentiel [7]. Cette diversité d'applications positionne l'hydrogène naturel comme un vecteur énergétique universel capable de répondre aux besoins de décarbonation de l'ensemble de l'économie.

Par ailleurs, les processus industriels utilisant l'hydrogène couvrent des secteurs manufacturiers critiques. La production d'acier, de méthanol et d'ammoniac représentent des marchés considérables qui pourraient bénéficier directement de l'hydrogène naturel à bas coût [7]. De même, la synthèse chimique et le raffinage pétrolier constituent également des débouchés immédiats pour cette ressource, créant des opportunités de décarbonation industrielle significatives.

En outre, la capacité de l'hydrogène naturel à servir de vecteur énergétique universel réside dans ses propriétés uniques de stockage, transport et conversion énergétique. Contrairement aux énergies renouvelables intermittentes comme l'éolien ou le solaire, l'hydrogène naturel peut être stocké indéfiniment et transporté efficacement, résolvant ainsi les défis logistiques majeurs de la transition énergétique.

Une exploitation trop dangereuse

Le cinquième mythe amplifie de manière disproportionnée les risques sécuritaires associés à l'extraction et l'utilisation de l'hydrogène naturel. Bien que l'extraction d'hydrogène géologique présente des défis spécifiques, notamment les risques de fuites lors du forage et la fragilisation par l'hydrogène des équipements métalliques [10], ces préoccupations ne sont pas fondamentalement différentes de celles rencontrées dans l'industrie pétro-gazière. Comme pour toutes les sources d'hydrogène, cette ressource nécessite une manipulation prudente pour réduire les risques sécuritaires, mais ne représente pas nécessairement un risque environnemental plus critique que d'autres sources d'énergie.

De plus, l'hydrogène possède une diffusivité rapide (3,8 fois plus rapide que le gaz naturel), ce qui signifie qu'une fois relâché, il se dilue rapidement vers une concentration non-inflammable [11]. Sa capacité à s'élever 6 fois plus rapidement que le gaz naturel à une vitesse de près de 45 mph (20m/s) [11] réduit naturellement les risques d'accumulation dangereuse, contrairement aux hydrocarbures plus lourds.

Par ailleurs, l'expérience pratique au Mali confirme la faisabilité sécuritaire. Depuis 1987, le puits de Bourakébougou produit de l'hydrogène avec une concentration de plus de 95% sans incidents majeurs rapportés, démontrant qu'une exploitation commerciale sûre est réalisable avec les technologies actuelles. Cette démonstration de terrain valide que les défis techniques de l'hydrogène naturel peuvent être surmontés par une ingénierie appropriée et des protocoles adaptés.

Vers un avenir énergétique repensé

Le sixième et dernier mythe sous-estime le potentiel transformateur de l'hydrogène naturel dans le paysage énergétique mondial. Les perspectives d'avenir exceptionnelles et la croissance industrielle explosive positionnent cette ressource au cœur de la révolution énergétique du 21e siècle.

En effet, la croissance industrielle explosive témoigne de la confiance croissante dans cette technologie. Le passage de 10 à plus de 40 entreprises exploratrices entre 2020 et 2023 représente une croissance de 300% qui reflète l'intérêt massif des investisseurs [8]. Cette expansion rapide s'accompagne d'ailleurs d'investissements majeurs dans la recherche, l'exploration et le développement commercial, créant un écosystème industriel robuste.

Le leadership canadien dans ce secteur se confirme avec la présence d'Hydroma qui démontre déjà des coûts compétitifs au Mali [2]. Cette expertise canadienne pourrait être rapatriée et développée au Québec, créant un avantage concurrentiel dans l'industrie naissante de l'hydrogène naturel. Le Canada dispose ainsi d'une opportunité unique de devenir un exportateur majeur d'hydrogène naturel sur les marchés internationaux.

Cette révolution énergétique ouvre de nouvelles perspectives prometteuses pour les enjeux géopolitiques de l'énergie. Les pays et régions dotés de ressources d'hydrogène naturel pourraient devenir les nouveaux leaders énergétiques mondiaux, remplaçant progressivement les producteurs traditionnels de combustibles fossiles dans l'approvisionnement énergétique global.


La science a considérablement fait évoluer notre compréhension de l'hydrogène naturel, remettant en question six mythes tenaces qui entravaient le développement de cette ressource prometteuse. Les 5,6 trillions de tonnes de potentiel mondial, les coûts 2 à 10 fois inférieurs aux alternatives démontrés par les projets actuels, les puretés atteignant 98% à des profondeurs accessibles, la croissance industrielle de 300% en trois ans, et la sécurité basée sur des technologies éprouvées, ouvrent de nouvelles perspectives prometteuses pour le secteur énergétique.

Ces avancées scientifiques, bien qu'encourageantes, repositionnent l'hydrogène naturel comme ressource énergétique majeure du 21e siècle, sous réserve de validation à plus grande échelle. La convergence de l'abondance géologique, de la compétitivité économique, de l'accessibilité technique, de la polyvalence applicative, de la sécurité éprouvée et des perspectives industrielles exceptionnelles crée un contexte favorable sans précédent pour cette révolution énergétique.

Le Québec, avec son expertise géologique, sa vision de transition énergétique et la présence de Squatex comme pionnier de l'exploration, se positionne avantageusement dans cette révolution mondiale. L'opportunité historique qui s'ouvre pourrait transformer la province en leader de l'hydrogène naturel, créant des retombées économiques durables et contribuant significativement aux objectifs de décarbonation.

Il convient toutefois de noter que malgré ces avancées scientifiques encourageantes, l'hydrogène naturel reste un secteur en développement. Seul un site (Mali) produit actuellement de l'hydrogène naturel à des fins commerciales, et les défis de détection, d'extraction à grande échelle et de transport restent à résoudre pour confirmer le potentiel transformateur de cette ressource.

Suivez les développements pionniers de Squatex dans l'exploration d'hydrogène naturel au Québec sur LinkedIn et découvrez comment nous participons activement à la recherche de cette ressource qui redéfinit l'avenir énergétique de notre planète.


Références

[1] Ellis, Geoffrey S., and Sarah E. Gelman. "Model Predictions of Global Geologic Hydrogen Resources." Science Advances, vol. 10, no. 50, 13 Dec. 2024.

[2] Singh, Himmat. "The Emergence of Natural Hydrogen: Genesis and Current Perspectives." LEMIGAS Journal, vol. 48, no. 1, April 2025, pp. 91-112.

[3] Everts, A.JW., et al. "Natural Hydrogen Development Potential and Challenges." International Journal of Hydrogen Energy, vol. 142, 2025, pp. 26-39.

[4] Prinzhofer, Alain, et al. "Discovery of a Large Accumulation of Natural Hydrogen in Bourakebougou (Mali)." International Journal of Hydrogen Energy, vol. 43, 2018, pp. 19315-19326.

[5] Zgonnik, V. "The Occurrence and Geoscience of Natural Hydrogen: A Comprehensive Review." Earth-Science Reviews, vol. 203, 2020.

[6] Tasleem, S., and E.H. Alsharaeh. "International Journal of Hydrogen Energy." International Journal of Hydrogen Energy, 2025.

[7] Sadeq, A.M., et al. "Science of the Total Environment." Science of the Total Environment, vol. 939, 2024.

[8] The white gold rush and the pursuit of natural hydrogen, RystadEnergy, 2024.

[9] "Les Promesses des Gisements d'Hydrogène Naturel." Sciences, 11 décembre 2024.

[10] Fast Sense. "Geologic Hydrogen could be Naturally Abundant and Easily Mined." December 2024.

[11] U.S. Department of Energy. "Hydrogen Safety." Energy Efficiency and Renewable Energy, www1.eere.energy.gov/hydrogenandfuelcells/pdfs/h2_safety_fsheet.pdf

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